Exposition :
« A journey without distance »

du 23 janvier au 19 février 2021

Diplômée ès lettres, Anca Medrea, après plusieurs années de pratique et d’autodidaxie, se lance dans le monde enfantin en proposant à EuropaNova un projet de cœur qui conduit ses élèves à vivre la danse de l’instant et à s’exprimer, en même temps, par l’entremise des couleurs. L’Atelier « Je danse et je peins » a ouvert ses portes, il y a deux ans et a un réel succès.

1. Quand as-tu senti pour la première fois l’appel de la ’’couleur’’ dans ta vie ? Depuis combien d’années peins-tu et en quoi consiste ton pouvoir d’artiste ?

Il est fort possible que l’appel de la couleur dans ma vie existait depuis toujours, car, enfant, j’avais déjà des rêves où je peignais. Comme adulte, j’ai vécu longtemps avec le bien connu « programme » d’auto sabotage qui te dit « tu ne sais pas peindre, tu n’as pas de talent ». J’ai commencé effectivement à peindre en 2008, après avoir suivi un cours d’aquarelle d’un week-end. Mon pouvoir d’artiste ? Je ne sais pas si j’ai un tel « pouvoir ». Je me souviens ce que m’a dit mon premier et unique professeur d’aquarelle après mon premier cours : « Tu as la couleur en toi… je n’ai rien à t’apprendre sur la couleur ; c’est un don…on a ce don ou on ne l’a pas. Le dessin on peut l’apprendre, mais la couleur est une capacité innée ». Alors, oui, j’ai cette facilité-là…et ici on ne parle pas d’une maîtrise technique.

2. André Malraux disait que ‘’l’art, c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme’’. As-tu ressenti cet effet de ton art ? Si oui, dans quel(s) contexte(s) ?

Ce que dit Malraux est, plutôt, une croyance ; sa croyance à lui. Pour moi, l’Amour est le plus court chemin de l’homme à l’homme. L’art est une porte vers des dimensions insoupçonnées en chacun de nous, mais le degré d’ouverture de cette porte dépend d’énormément de facteurs.

3. Quel a été le plus grand ou le plus intéressant défi de ta vie d’artiste ?

Je ne vois pas et je ne veux pas trop chercher dans ma mémoire un moment ou une situation particulière que j’ai vécue comme un défi. Pour moi, le processus même de la création est un défi permanent, dans ce sens que je ne sais jamais, vraiment jamais, ce que je vais peindre quand je suis agenouillée devant une toile blanche ou, à table, devant le papier vierge d’aquarelle. Et, je me réjouis de ne pas savoir, de n’avoir aucune idée, aucune image déjà conçue… je laisse venir… je m’émerveille de ce qui se passe devant moi, à travers moi… et je suis toujours confiante dans ce processus et reconnaissante de pouvoir « participer » à cet acte qui me dépasse la plupart du temps.

4. Les critiques, quelles qu’elles soient, t’influencent-elles ou non ? Et dans quelle mesure ?

Je sais que ma création, ma peinture, est un être vivant qui a, quelque part, sa propre évolution, son propre développement, en grande partie indépendamment de ma propre volonté , et, comme chaque entité vivante, elle doit parcourir des étapes « naturelles ». Je ne peux rien forcer, je ne peux rien « anticiper ». Je me mets souvent au service de cet être, je suis le témoin et l’accompagnatrice de son évolution. Vu sous cet angle, je ne sais pas comment ce qu’on appelle « des critiques » (qui sont souvent des suggestions, des conseils, des possibles directions à suivre) pourraient influencer d’une manière visible le parcours de cet être vivant, qui est ma création. Au niveau de chaque technique il y a, bien sûr, toujours, énormément de choses à apprendre, surtout pour une autodidacte et un peintre amateur comme moi et là j’apprécie les critiques-conseils de ceux qui ont déjà parcouru les chemins tracés de la peinture « académique » mais, à part ça, je laisse ma peinture vivre sa vie et je m’émerveille de chaque pas qu’elle fait.

5. Ce n’est pas très simple de bien gagner sa vie en tant qu’artiste. Quel serait le conseil, pour ton fils, si un jour il te disait : « je veux devenir peintre » ?

DO IT…si c’est en toi, ce n’est même plus une question d’option, c’est un besoin vital qu’il faut honorer, nourrir et manifester au Monde.

6. Leonardo Da Vinci disait que “l’art n’est jamais terminé, mais seulement abandonné”. Combien de tableaux as-tu abandonné ou les as-tu laissés inachevés ? Il t’arrive parfois de te dire que tu aurais dû peindre différemment une toile ou que tu ne sois pas contente du résultat final ?

J’ai beaucoup d’aquarelles inachevées, ce que je trouve normal, car c’est une technique extrêmement exigeante, qui ne permet pas trop de corrections. Mais, comme chaque peinture, achevée ou inachevée, est un être qui m’a fait participer à sa vie pour un laps de temps, en mettant en mouvement des états d’âme, des besoins d’expression du moment, des mélanges des couleurs spécifiques, etc., je suis toujours contente, je n’ai jamais le goût d’un insuccès et je ne me sens jamais déçue par le résultat final, parce que pour moi, celui-ci compte moins. La peinture est un acte existentiel et pas un but en soi, pas la recherche d’une gratification par un résultat attendu, exigé, désiré.

7. Une pensée pour tes élèves-artistes ?

 

J’aimerais être/devenir pour mes élèves ce que Jacques Salomé appelle « un enseignant de Vie » (Tu vois ? Comme on dit « mon prof de math », « mon prof de biologie » on pourrait dire « mon prof de VIE »). Respecter LA VIE,  connaître les lois naturelles de la Vie, avoir un regard aimant sur les choses, un regard qui accueil, qui caresse le Monde, qui reconnait et qui manifeste la Beauté. Mais, pour arriver à ça ils doivent apprendre à « ralentir », à calmer leur respiration, à aller à l’intérieur d’eux-mêmes, à se donner du temps, à laisser de l’espace à l’imagination, aux images qui surgissent des profondeurs. Ils doivent apprendre à ne pas vouloir à tout prix faire des « choses » mais, plutôt écouter leur intérieur qui est en perpétuel changement. Ainsi, leurs peintures seront l’expression authentique de leur propre musique intérieure.

Interview réalisée par Mirela Nita Sandu